Bibliothèque rayon "Littérature"

 

Chapitre 1

Il ouvrit les yeux sans savoir ce qui l’avait éveillé quand une deuxième secousse, venant une minute après la première, vint secouer légèrement son lit et faire tintinnabuler divers petits objets sur la commode. Il resta allongé, attendant une secousse qui ne vint pas. Il ne comprit pas tout de suite ce qui se passait mais fut obligé de regarder la vérité en face. Il était seul, dans son petit appartement, pas loin du Ghetto, son père était sûrement parti à sa fabrique de corde. Il pria pour lui. Il s’assit sur son lit ; réfléchissant :

« Ah, si je n’avais pas cette fichue étoile sur mes vêtements je serais comme les autres ! Heureux avec mes deux parents ! Maman ! C’est cette étoile qui l’a achevée… » Il éclata en sanglots et, se réfugiant sous ses draps, il serra très fort ce petit ours que sa mère avait étant plus jeune. Lorsqu’elle était encore en vie. La joie qu’il avait éprouvée en recevant cet ourson : le seul qu’il n'ait jamais eu. Il avait couvert de bisous les joues si douces de sa petite maman. Qu’elle était belle ! Grande, mince, les cheveux jusqu’à la taille…

Elle le serre dans ses bras, car il a peur. Son père qui rentre d’habitude juste avant le couvre feu n’est pas là. « Qu’est-ce qu’ils deviendront sans lui ? Ils les trouveront et les emmèneront ? Ils ? Ces « sales boches », comme dirait papa. Ce sont des animaux pleins de haine… » Ils restent, elle et lui, allongés sur le maigre sofa dans le noir. L’odeur de vanille qui émane de sa mère l’apaise et calme ses souffrances si souvent ! Mais la : non. Il sent bien que son père ne reviendra pas ; et pourtant ! Une demi-heure après, il entend cette voix familière : c’est lui !

Il eut chaud et sortit de sous ses draps, humides de larmes provoquées par ce souvenir douloureux. L’appartement, (il appelait sa demeure ainsi, car ce n’était, en réalité qu’une seule et unique pièce) était plongée dans la pénombre. Les quelques décorations posées sur la précieuse commode demeuraient à présent en mille petits morceaux sur le béton froid et poussiéreux. «  A quoi bon exister si c’est pour être persécuté ? Après tout, dans ce magnifique livre de Robinson Crusoé, le héros admire tous les soirs les étoiles. Elles sont belles. Alors c’est un honneur d’en posséder une vraie ; qui vient vraiment de la haut, avait dit maman chérie ! J’ai grandi, et je comprends pourquoi il faut se cacher ! »

Il passa tout le reste de la journée à attendre. Mais attendre quoi ? Mille choses… Que sa mère puisse revenir, qu’il ne soit plus ce « sale juif » sur qui on jure tant ! Et surtout que les Allemands ne le bombardent plus ! Après quatre heures, son père rentra de la fabrique. Ils parlèrent peu et s‘endormirent ; laissant derrière eux cette journée toujours identique où, à chaque fois, cris et morts s’affrontent. Mais surtout, ils oublièrent qui ils étaient.

Chapitre 2

Le lendemain il pouvait aller à l’école. En fait, seul son père savait lorsque son fils ne devait pas y aller. Il était fort, malin, et arrivait toujours à connaître les jours où les Allemands patrouilleraient et emmèneraient tous les juifs croisant leur chemin. Ce matin là Mishke se prépara longuement. Il ne grogna pas une seule fois lorsque son père lui versa trois seaux d’eau froide sur la tête. Il mit son plus bel ensemble, celui du dimanche, emporta quelques vieux crayons abîmés dans sa poche et écouta encore une fois les consignes de son père. Mishke l’embrassa sur les deux joues et sortit de la pièce. Son itinéraire pour se rendre jusqu’à l‘école était très précis. Son père avait étudié chaque détail avant qu‘il n’aille lire et apprendre pour la première fois. Surtout, ne pas passer par la grande avenue chic, mais la longer en prenant de petites rues parallèles, ne pas parler à qui que ce soit et courir se cacher si l’on rencontre un boche. Le long du trajet Mishke se répéta sans cesse les consignes de son père et arriva sans encombre au lieu de sa destination. La journée se passa bien et en rentrant chez lui il eut l’idée de passer voir son père à sa fabrique de corde. Il lui était pourtant interdit de jouer là-bas. Son papa donnait les consignes aux ouvriers quand il aperçut son fil, assis à son bureau. Il l’emmena dans la salle la plus tranquille et lui donna une bonne fessée, il le supplia de partir avant qu’un troupeau armé n’arrive. Trop tard, déjà des coups de mitraillettes se faisaient entendre. Mishke se cacha comme le lui avait toujours dit son père. Celui-ci essaya de résister mais fut arrêté par les soldats. Il jeta un dernier regard plein de tristesse vers l’endroit où s’était réfugié son fils. Des larmes dévalèrent ses joues creuses puis il cria dans sa langue d’origine : « je reviendrai Mishke, entends-moi, je reviendrai te chercher. » 

Mishke resta toute la nuit dans le placard de la fabrique, au milieu de pelotes de corde. Il ne sortit qu’au petit matin aux environs de six heures. Ses yeux étaient rouges car il avait pleuré toutes les larmes de son corps. « C’est trop injuste… Ils ont aussi eu mon père ! Il ne me restait plus que lui. Je, je… Et s’il mourait ? Non, je ne dois pas penser à cela. Mon père est fort, il n’a pas peur ! Des fois j’aimerais être comme lui » Désorienté, son seul reflex fut de retourner dans sa demeure. Un instant ce mot fit apparaître un léger sourire sur le visage enfantin puis de nouveau ce regard triste. Ce n’était pas le moment de traîner ! Il rentra chez lui et prépara un sac de voyage. Quelques gâteaux, des pommes de terre, environ un kilo puis la maigre économie qu’avait entreprise son père ses deux dernières années. Il emporta aussi l’ours en peluche de sa mère, et une photo de son papa. Puis il repartit. Il voulait se rendre de l’autre côté du mur de Varsovie. Pour cela, il décrocha non sans quelques regrets, son étoile venue du ciel. Il erra tout le jour, demandant aux personnes qu’il croisait par quel moyen rejoindre l’autre coté. Celui dans lequel tous les enfants Juifs Rêvent de vivre. S’il arrivait là-bas, il pourrait demander de l’aide à l’adresse confiée par son père. Il lui manquait déjà. Mais il s’empêcha de pleurer. Il n’avait pas le droit. Deux jours passèrent, Mishke avait fini les gâteaux, ainsi que la réserve de pomme de terre. Il avait passé les nuits à marcher car il ne savait où dormir. Les ruines étaient pourtant nombreuses mais peu sûres. Un matin il vit que le prix des pains au chocolat avait baissé. Il en acheta donc. Rassasié il arpenta encore la ville. D’un seul coup, les boches arrivèrent au coin d’une rue pourchassant une foule de gens qui hurlait de terreur. Les hommes armés, tiraient sur tout ce qui bougeait. Mishke devait trouver un abri. Il se mit à courir lui aussi et rentra dans un bâtiment abandonné. Se cachant dans l’obscurité il entendit une voiture allemande approcher. Il se plaqua contre le mur du fond essayant de se fondre dedans. Puis il sentit une boule derrière son dos. Il examina la chose. C’était une poignée. Mishke eut juste le temps de la tourner pour s’engouffrer dans une autre rue. C’était une avenue chique et éclairée. Où les passants semblaient faire partie d’un autre monde. « Autre monde… Autre monde ? Autre côté !  J’y suis arrivé ! Je me trouve de l’autre côté du mur ! Vite : direction la rue des Lilas ! » Mishke revivait. Il avait réussi, peut-être par un miracle ; mais l’important c’est ce qu’il dirait à son père. « Papa, j’ai gagné l’autre côté du mur pour toi !  Et si son père ne revenait pas ? Alors il irait le chercher ! Où ? Il ne le savait pas encore mais il tenait à le découvrir. »

Chapitre 3

 L’après-midi était ensoleillé. Tout çà, c’était pour lui. Pour le récompenser. Mishke se balada des heures durant. Il avait le temps à présent.  Vers cinq heures il rentra dans un merveilleux parc. Herbe verte, arbres en fleurs, tout cela lui procurait un calme qui remplit son cœur de bonheur. Plus tard dans la soirée il alla rue des Lilas. Le numéro trois était un immeuble neuf, fleuri, resplendissant. Il devait demander Monsieur Dupond. Son père lui avait expliqué que cet homme, à qui il avait sauvé la vie autrefois, avait une dette envers lui. Le garçon pourrait lui demander n’importe quoi. On indiqua à Mishke le troisième étage. Il sonna puis attendit. Un homme à lunettes, un livre dans les mains, lui ouvrit. Il détacha ses yeux des lignes d’encre noire, puis, interloqué de voir un enfant aux traits marqués, lui demanda les motifs de sa venue. Mishke lui expliqua tout. L’homme, en apprenant l’arrestation de son ancien ami, versa quelques larmes qui tachèrent le bouquin qu’il tenait toujours. Monsieur Dupond était un homme d’une cinquantaine d’année, dégarni. Il exerçait le métier d’instituteur. Veuf depuis deux ans, il n’avait jamais pu avoir d’enfant. Et au moment même où lui et sa femme voulurent en adopter un, elle tomba gravement malade. Puis décéda. Monsieur Dupond alors tout ce qu’il avait. Sa vie n’avait plus aucun sens. Donc quand il vit Mishke, seul, orphelin, il sentit un nouveau cœur battre en lui. Ce garçon si mignon, plein de tendresse lui apportait du réconfort. Il le recueillit et le traita comme s’il eut été son propre fils. Mishke prit de l’assurance, il ne pensa plus à son père. Il alla vite à l’école dans la classe de son protecteur. C’était un «élève doué, intelligent qui apprenait à grande vitesse. Un jour Mishke décida tout de même qu’il était temps pour lui de retrouver son vrai père. Il n’eut pas la force de le dire à celui qu’il aimait beaucoup à présent. Mais il lui écrivit une lettre :

« Cher monsieur Dupond, je dois retrouver mon père. Je sais qu’il n’y a que peu de chance qu’il soit toujours en vie, mais s’il y en a une, je ne dois pas la laisser passer. Je vous remercie pour tout et vous promets de donner des nouvelles. Adieu. »

Mishke relut une dernière fois sa lettre, la posa sur la table puis, les larmes aux yeux, regarda en signe d’adieu le portrait de l’instituteur encadré. La pendule fit son « cling cling » habituel pour minuit et se tut dans les ténèbres. Mishke ouvrit la porte et à son tour s’engouffra dans la nuit noire. Laisser monsieur Dupond provoqua un vide les premiers jours où Mishke se retrouva de nouveau face à la solitude. Il pensa au vieil homme, bien qu’il fut jeune, sa santé elle ne l’était plus depuis la mort de sa femme. Sa priorité fut de trouver un endroit, inaperçu et sans danger où il pourrait reconstruire son monde d’avant, sa demeure où ils vivaient lui et son père. Et la recherche de ce paradis fut longue. Mishke se réfugia quand même dans cet endroit sec et au chaud, situé au-dessus d’une boulangerie où les odeurs de pain  remontaient. Réveillé tôt, par le bruit des fourneaux dorant la pâte moelleuse des petits pains, Mishke essayait de vivre normalement, cherchant, furetant de tous côtés pour récolter des informations au sujet des boches, du lieu où l’on emmenait les Juifs… Bref  le garçon cherchait son père qui lui manquait plus que tout ! Un jour, en rentrant dans son refuge, il fit la connaissance d’un gamin de son âge : Paul. Assis en bas de la boulangerie, il dérangeait Mishke qui ne voulait montrer à personne sa cachette. Il fut obligé d’attendre que le garçon s’en alla, mais en vain. Paul demeurait là. C’est ainsi que Mishke l’invita à se joindre à lui. Paul n’avait pas toujours vécu seul. Elevé par sa grand-mère, il n’avait pas connu ses parents. La vieille dame possédait une boutique de légumes. Mais à l’arrivée des boches, fini ! La boutique avait été fermée pour de bon à cause des origines juives de la famille. Embarquée de force, seul Paul avait pu s’enfuir. Il n’avait jamais revu sa mamie. Paul était comme Mishke, seul et apeuré. A deux ce serait plus facile de combattre contre les Allemands. Mishke expliqua à son tour sa vie heureuse, le départ de sa mère, l’incident de la fabrique de cordes et monsieur Dupond. Après une longue discussion ils s’endormirent.

« J’entends le bruit des vagues, le vent qui s’abat sur notre maison produit un vacarme épouvantable, me faisant sursauter comme le jour de ma rencontre avec ton père sous les bombardements. Non loin de la rochelle, à cette époque ton père et moi étions en France, en prise à la terreur, paralysée, je me suis allongée en pleine rue, la tête dans les bras. Les bombes étaient partout, explosant de tous côtés, et projetant à chaque fois des lueurs rougeâtres dans la nuit noire. Une nuit sans étoiles. Exactement comme ce soir. Lorsque j’avais rouvert les yeux, j’étais dans une minuscule pièce, où me réconfortait la chaleur douce et agréable d’un feu de cheminée. On percevait toujours les bombardements, toujours et… et… et à chaque  fois qu’ils se faisaient plus fort je tremblais. C’est là que je fis la connaissance de ton père. L’homme qui m‘avait arrachée aux enfers cette nuit là. Et qui m’apprit qu’il y a toujours une étoile dans le ciel même dans un ciel noir. Mishke, je sais que tu te sens seul mais si tu es triste, regarde ton étoile ! Je t’aime Mishke ! »

 « Maman ! Maman ! », cria Mishke en se réveillant hors d’haleine dans la nuit sombre. Mishke savait que sa mère lui avait parlé dans son sommeil mais il ne dit rien à Paul. Celui-ci ne demanda rien à Mishke. Il ne le questionna même plus sur son passé douloureux. Car chaque souvenir rendait Mishke plus triste que jamais. Leur petite vie à deux les réconfortait cependant l’un et l’autre. Paul était doté d’un grand sens de l’humour qui divertissait Mishke. Ils étaient ravis. Un mois environ après l’arrivée de Paul, les deux bambins firent leurs bagages et cherchèrent une autre cachette. L’endroit était devenu invivable et se démolissait sur la rue. En plus, l’été arrivait, ils pourraient ainsi trouver un endroit près de la fontaine du parc. Mais Mishke réticent à l’idée de croiser monsieur Dupond lors d’une de ses promenades quotidiennes se laissa convaincre. Ils montèrent alors une planque invisible dans l’un des hauts arbres du parc. Plus près des nuages le jour, mais des étoiles la nuit. C’est comme ça que Mishke trouva celle dont parlait sa mère. Une nuit fraîche et peuplée de bruits étranges, Mishke ne trouvait pas le sommeil. Une question le préoccupait. De quelle étoile parlait donc sa maman ? Il pensa très fort à elle. Mais en vain. Alors qu’il allait renoncer, le gamin en aperçut une qui brillait plus fort que les autres. Plus étincelante, plus ronde, parfaite quoi. Elle semblait également se rapprocher et grossir à vue d’œil. Mishke sentait sa chaleur qui le berçait. Son esprit s’évada et Mishke ferma les yeux. Il trouva enfin le sommeil. Le lendemain, le garçon ne révéla rien à Paul sur le phénomène de la veille. Il fit comme d’habitude ; alla traîner en ville à la recherche de tuyaux pour retrouver son père, mendiant, priant et volant en désespoir de cause ! Mishke ne croyait plus en Dieu depuis que sa mère et son père avaient été raflés par la mort en personne. Mais quelques fois, lorsqu’il se sentait désemparé et perdu, son seul recours était ces souvenirs et ses prières. Dieu continuait pourtant à l’ignorer lui et ses demandes. En revanche le diable lui ne l’épargnait pas. Et son pire cauchemar revenait chaque nuit ! Et puis, il y eut cette fois où Mishke rencontra monsieur Dupond. L’homme avait maigri, vieilli en seulement deux mois. Il supplia Mishke de revenir, lui proposa même de l’argent et pleins d’autres choses. C’est alors que Mishke eu une splendide idée. Il lui était impossible de rester plus longtemps avec monsieur Dupond mais Paul lui le pouvait. Il avait le droit d’avoir un peu de bonheur, un foyer accueillant à tout moment ! C’est ainsi que Mishke dut une nouvelle fois dire adieu. Adieu à Paul, adieu à monsieur Dupond. Adieu aux deux seules personnes qu’il connaissait en ville. Mais Paul était heureux. Monsieur Dupond aussi.

Chapitre 4

 Mishke était sombre. Cela faisait bientôt un an que son père avait été arrêté. La nuit du jour exact, Mishke ne trouva pas le sommeil. Il faisait pourtant doux dans le parc. Il se sentait bien perché dans son arbre. Il pouvait observer le ciel comme bon lui semblait. C’est alors que la chose recommença. Une des étoiles brilla, plus que toutes les autres. Puis elle descendit vers le gamin qui croyait rêver. Mishke se frotta les yeux, mais non il ne rêvait pas. L’étoile dorée lui tendait bien la main. Mishke hésita une seconde avant de s’envoler dans les nuages avec elle. Sa mère lui murmurait : « Viens mon petit, viens mon fils. » Plus elle disait cela, plus Mishke s’accrochait à l’étoile. Celle-ci filait à une vitesse incroyable à travers le ciel. Puis le garçon ferma les yeux. Et ce fut pour les rouvrir sur quelque chose de magnifique. Il se trouvait dans une grande pièce ensoleillée. Un arc-en-ciel était dessiné sur chaque mur et pourtant, pas un des quatre n’étaient identiques. Dans le fond de la pièce une porte avec un écriteau : « Labyrinthe : les couloirs du temps. »Mishke se rapprocha pour examiner la porte. Elle était magnifique. Constituées de milliers d’étoiles collées les unes aux autres, et reliées entre elles par une chaînette dorée qui semblait mesurer des kilomètres. Mishke reconnut la l’étoile qui l’avait amené ici. Elle avait l’air de lui parler. Mishke approcha son oreille et entendit de nouveau la voix de sa maman : « Mishke, après être montée au paradis, je suis devenue un ange. Et dieu m’a expliqué que je pouvais faire un vœu. Alors je t’ai fait venir ici. Ecoute-moi bien, mon fils, derrière cette porte se trouvent les couloirs du temps. C’est un labyrinthe armé de pièges, plus dangereux les uns que les autres. Mais si tu arrives à les déjouer, Mishke tu pourras revenir dans le passé, voyager dans le temps afin de changer ton futur. Tu empêcheras les Allemands d’arrêter ton père. J’ai confiance en toi. Tu es fort, tu vas réussir. » Puis l’étoile ne brilla plus, elle se recroquevilla. Mishke resta une éternité devant le tableau étoilé. Il avait subi de grandes émotions et ne pouvait entrer dans le labyrinthe immédiatement. Il perdait la notion du temps. Tout en fermant les yeux par crainte de ce qui pouvait se trouver de l’autre côté, Mishke tendit ses bras, posa ses petites mains sur la porte chaude et lumineuse puis poussa de toutes ses forces. Il se sentit tomber, faisant une chute dans le vide. Son cœur se souleva. Mais le choc qui suivit fut pire que tout. Il était maintenant dans une pièce identique à la première : ensoleillée, accueillante, et non effrayante comme avait pu l’imaginer Mishke. Mais il n’était plus seul à présent. Trois hommes attachés, ligotés se tenaient assis sur de petites chaises en bois. Ils lui semblaient familiers. Habillés d’uniforme allemand, ils suppliaient le môme de bien vouloir les détacher. C’est alors que le garçon put mettre un nom à ces têtes. C’était les monstres qui avaient encerclé la fabrique de son père, qui avaient arrêté ce dernier, frappé, questionné et torturé. Qui sait s’ils ne l’avaient pas tué ?  Furieux, Mishke se jeta sur eux et les roua de coups de pied, de gifles… Comme un animal aveuglé par la rage, l’enfant assouvissait la haine qu’il venait d’enfouir au plus profond de lui cette dernière année. Les soldats, comme des pantins se laissaient frapper, sans cri, sans aucune réaction. Mishke s’arrêta d’un seul coup, la respiration haletante, épuisé. « Je suis face à une épreuve. J’ai deux solutions, un choix seulement. Tuer les boches, que je déteste plus que tout ou les relâcher comme ils le demandent. » Puis celle de son père : « Mishke même si les gens sont affreux, font les pires choses qu’il soit, pardonne-leur. Les soldats allemands sont manipulés par un homme horrible qui contrôle les esprits. Ils ne sont pas totalement responsables. Beaucoup regrettent leurs gestes ! » Mishke regarda l’un après l’autre les officiés couverts de bleus. Ne se croyant pas capable de faire une chose pareille, Mishke avait été réduit à faire les mêmes choses que ses ennemis. Pour se rattraper, il détacha les trois hommes qui s’effondrèrent après quelques pas. Désolé d’avoir tué ces soldats, il s’effondra et de grosses larmes jaillirent de ses yeux. Il hurla : « Je n’ai pas réussi l’épreuve maman ! Je ne devais pas les tuer afin de remonter le temps, c’est ça ? Moi j’ai fait tout le contraire ! Je m’en veux tellement ! Par ma faute papa est condamné… » Une étoile sortie de nul part, fusa vers lui. Elle se posa sur son épaule et chuchota : « Au contraire mishke tu as réussi. Ils ne sont pas morts, seulement évanouis. Le plus important c’est que tu aies compris, et réussi ! Je suis fière de toi mon fils… Rejoints vite ton père ! » Tout bascula. La pièce ne fut plus qu’un tourbillon de couleurs. Puis Mishke atterrit enfin.

Chapitre 5

 Il reconnut bien vite la pièce où ils vivaient non loin du Ghetto. Une autre respiration que la sienne se faisait entendre. Ce n’était qu’un faible souffle, léger. De l’autre côté de la pièce se dessina une silhouette dans les yeux du gamin. Il courut vers celle-ci. Son père dormait paisiblement. C’est aujourd’hui que les Allemands devaient envahir la fabrique de cordes. Lorsque son papa se réveilla, Mishke lui sauta au cou et l’embrassa si fort que l’homme s’en étonna :

« Hé ! On dirait que cela fait des années que tu ne m’as pas vu !

-Tu ne crois pas si bien dire…Au fait, tu te souviens de monsieur Dupond ?

-Oui, bien sur. Comment pourrais-je l’oublier ! Pourquoi ?

-Si on lui rendait une petite visite ? »…

Epilogue

C’est ainsi que Mishke et son père rendirent visite à monsieur Dupond. Mishke éprouva une grande fierté lorsqu’il lui montra la porte qu’il avait découverte et qui menait de l’autre du ghetto, qui donnait sur un monde où la traque des Juifs était moins importante. Mishke s’attendait à ce que monsieur Dupond saute de joie en le voyant, mais celui-ci ne le reconnu pas. C’était comme s’ils ne s’étaient jamais rencontrés. Le garçon fut triste mais c’était évident. Qu’espérait donc Mishke ? Il avait remonté le temps et en subissait les avantages et les inconvénients. Alors que son père et lui se trouvait rue des lilas, la fabrique avait bel et bien était envahie. En apprenant l’arrestation de ses ouvriers, l’homme décida de ne plus jamais revenir dans le Ghetto. Tous les deux s’installèrent chez leur ami ; les deux hommes ressassèrent les souvenirs du passé. Mishke allait de nouveau à l’école. Et dans la classe de monsieur Dupond : il enseignait de la façon qui avait tant plus à Mishke la première fois. L’instituteur trouva aussi un travail à son père. Il entretiendrait désormais l’école. Un matin le garçon sécha les cours, et se rendit devant la boulangerie où il avait autrefois rencontré Paul. Mais celui-ci ne vînt pas. Qu’était-il devenu ? Mishke se sentit coupable. En privilégiant son bonheur, il avait gâché la chance que Paul vive en paix avec monsieur dupond. Comme lui avait toujours dit sa mère, dans la vie il fallait faire des choix et Mishke se dit avoir fait le bon.