Bibliothèque rayon "Voix d'Asie"

Comment visiter un temple bouddhiste en Chine.

En hommage à Alain Quesnel.

"Les sûtras le disent clairement. On doit prendre refuge dans le Bouddha qui est en nous-même. Ils ne disent pas que l'on devrait prendre refuge dans d'autres Bouddhas. "(Sûtra de Hui Neng, le 6e patriarche, VI) Entrer dans un temple en Chine signifie tout d'abord rencontrer le bouddhisme Mahayana, ensuite le taoïsme ou d'autres traditions, comme le lamaïsme. On peut s'interroger sur la meilleure manière d'offrir ses hommages aux bouddhas et aux dieux, ou tout simplement désirer observer une attitude respectueuse qui ne heurte pas les Chinois. Les Occidentaux et plus particulièrement les Chrétiens ne savent pas trop comment s'y prendre et le touriste qui ne se sent pas indifférent est parfois embarrassé par son ignorance. Ces problèmes sont, en réalité, faciles à résoudre. Les Chinois considèrent et ont toujours considéré les temples comme des lieux de détente et de rencontre. Des endroits que l'on fréquente à ses moments de loisir et qui, dans le passé, servaient de refuges pour la nuit lorsque l'on cherchait un abri sûr. Dans la cour des temples, on peut boire du thé et manger, on joue aux cartes et au ma jiang (majhong), on discute, on lit, on prie. Les Chrétiens du Moyen-âge ne se comportaient pas autrement vis-à-vis des églises, et l'on retrouve parfois de curieux règlements où l'on interdisait de jouer à la balle à l'intérieur de l'édifice par souci d'épargner les vitraux. Cependant, la méditation n'est pas pratiquée pendant les heures de visite. Il y a un temps pour tout. Le temple est l'habitation des Bouddhas et des dieux, c'est pourquoi on y va pour leur demander des avantages tels que la fortune, la santé, la réussite sociale, etc. ... D'un point de vue spirituel, on pourrait dire que dans les temples, en fait, il ne se passe rien du tout ! Le comportement des Chinois est semblable dans les temples des trois principales traditions chinoises: bouddhisme, taoïsme et confucianisme. Il s'agit du genre de respect qu'ils pourraient éprouver pour un fonctionnaire puissant, pour quelqu'un dont ils craignent le pouvoir tout en en attendant quelques avantages. C'est la raison pour laquelle il n'est pas rare d'y trouver des amulettes et portraits de Mao ou de Deng Xiaoping. Une fois morts, leur puissance est encore plus subtile, il faut donc l'exorciser et la rendre favorable (alors que pour d'autres, ils n'ont qu'une valeur de commémoration historique). Tout cela peut sembler plus proche de la superstition que de la religion. L'attitude chinoise est absolument pratique et non morale. Mais finalement, tout se passe sous le regard compréhensif des bouddhas et des moines, qui, eux, s'adonnent à l'étude des sûtras et à la méditation : le Bouddha réside dans le coeur et c'est là qu'il faut le rechercher, c'est pourquoi les adeptes du Chan (équivalent du zen japonais) du passé ont dit: "Si tu rencontres le Bouddha (hors de toi-même), tue-le!" (c'est un reflet illusoire!) Il y a plusieurs façons de brûler l'encens et d'offrir ses respects aux bouddhas et aux dieux. Nous nous limiterons ici à quelques observations et à quelques conseils. S'il est vrai que les Chinois peuvent sembler irrespectueux envers leurs dieux, en réalité, il faut distinguer entre le comportement respectueux qu'ils adoptent à l'intérieur des salles, devant les statues, et l'attitude plus libre qu'ils ont au dehors, entre un bâtiment et un autre, où les enfants peuvent courir, crier et s'amuser pendant que les parents achètent souvenirs ou boissons. L'espace sacré peut tout embrasser, dans la mesure où les comportements et les sentiments humains sont naturels comme les plantes qui donnent de l'ombre dans les cours des temples. Quand on franchit le premier portail, par modestie, il est préférable de marcher sur un côté de l'allée qui mène au bâtiment principal plutôt qu'au milieu, tel un roi ou un bouddha. L'homme est ignorant et petit par rapport à la plénitude d'un bouddha ou d'un dieu. De même, on ne se placera pas juste devant la statue mais sur un côté, surtout dans la Grande Salle. La place centrale est réservée au supérieur du temple. Plus précisément, les hommes se placeront à gauche (côté yang) et les femmes à droite (côté yin). Il faut retirer son chapeau ou tout autre couvre-chef devant une statue, et plus particulièrement quand on les salue. On ne passe jamais entre la statue et une personne en train de la saluer. On salue respectueusement les moines, sauf s'ils accomplissent des rites, s'ils méditent, récitent des sûtras, mangent, boivent, dorment ou font leur toilette. On n'est pas censé toucher aux objets rituels (comme les tambours ou les grandes cloches à l'entrée des bâtiments). Les offrandes rituelles sont très variées, mais les règlements actuels, en Chine Populaire, imposent des limitations qui sont soit locales soit générales. On peut brûler de l'encens, du papier-monnaie de la Banque des Enfers, des lingots en papier, des talismans de papier avec des voeux particuliers inscrits dessus. On peut offrir des fruits ou des gâteaux de bouddha, confectionnés et vendus dans le temple même. On peut, dans certains endroits, faire éclater des pétards. Cette coutume est destinée à faire fuir les démons, mais ne devrait normalement pas se dérouler dans l'enceinte des temples bouddhistes. Comme dans tout lieu de spiritualité, ce qu'un bouddha ou un dieu pourrait attendre de mieux de la part d'un visiteur, c'est la sincérité d'un coeur purifié. Que l'on offre de l'encens et même le reste, mais que l'offrande soit faite avec la sincérité du coeur, avec foi. L'offrande pourrait se retourner contre celui qui l'a faite, si au lieu de sincérité il y avait hypocrisie. De ce point de vue, il n'est nul besoin d'avoir recours à des offrandes trop sophistiquées. Encens et bougies, encens seulement ou tout simplement un salut respectueux seront toujours suffisants. Si l'on respecte le rite, on allume trois baguettes ou trois spirales d'encens devant le bouddha, la divinité, le saint ou le sage que l'on veut ainsi honorer. On salue le Triple Joyau (le Bouddha, le Dharma et la Sangha) . On se courbe trois fois avec les baguettes d'encens allumées tenues verticalement entre les mains jointes , placées entre le coeur et le front, en pensant chaque fois et dans l'ordre, au Bouddha, au Dharma et à la Sangha. Ensuite, de la main gauche, on place la première baguette au centre de l'encensoir, en l'honneur des bouddhas ou de la divinité en question ; puis la deuxième à droite, en l'honneur des bodhisattvas, des parents et des ancêtres ou du Dharma (la loi qui régit l'univers et se confond avec l'enseignement du Bouddha) ; la troisième à gauche, en l'honneur de la Sangha ( la communauté des disciples du Bouddha) ou pour le salut de tous les êtres. Le Bouddhiste pratiquant peut présenter ses voeux d'une manière différente. D'abord à droite en exprimant le voeu d'éviter et de défaire tout mal ; puis à gauche en exprimant le voeu de pratiquer le bien ; enfin au centre, en exprimant le voeu de sauver tous les êtres (la perspective bouddhiste ne s'arrête pas à une vision purement humaine, mais bien proprement cosmique). En pratique, il n'est pas toujours possible de brûler de l'encens à l'intérieur d'une salle. Des chaudrons à encens sont donc placés à l'extérieur, ainsi que des bougeoirs protégés par un auvent. On place alors les trois baguettes non allumées sur l'autel ou sur la table à offrandes prévue à cet effet, dans la salle, tandis que les autres baguettes d'encens (le reste du paquet), et éventuellement les autres offrandes en papier seront brûlées dans le chaudron devant le bâtiment : on allume d'abord les bougies à la flamme desquelles on allume ensuite son propre encens, car c'est par son propre éveil qu'on rend grâce aux bouddhas et aux dieux, et non par la lumière acquise par d'autres. De même lorsque l'on veut se prosterner devant les statues sacrées, symboles de l'Esprit et de ses formes multiples, on s'agenouille sur le coussin, les mains jointes verticalement devant le coeur (on ne presse pas complètement les deux paumes l'une contre l'autre, mais on laisse un petit creux, symbole de la chambre du coeur, siège de la divinité), puis on pose les mains devant soi juste avant de s'incliner et on se prosterne jusqu'à toucher le coussin avec la tête. Les coudes sont alors au niveau des genoux et même un peu devant. On retourne alors les paumes ouvertes vers le ciel. Il faut devenir humble devant la face de la divinité avant d' obtenir sa miséricorde. Ensuite, on se relève, debout ou à genoux, les mains unies pour répéter encore deux fois la même opération, parce que tout être humain constitue un ternaire Terre-Homme-Ciel ou Corps-Ame-Esprit. Un moine, s'il y en a un de permanence à côté de la statue, frappera chaque fois sur une clochette pour créer un lien qui attirera l'attention et la bienveillance de la divinité. Si l'on se trouve à l'extérieur, on peut s'incliner debout, les mains jointes, trois fois de suite. On place les mains au niveau du coeur avant de s'incliner, on les monte au niveau du front puis on les redescend au niveau du coeur en pliant le buste en avant. Comme nous l'avons déjà dit, ce qui importe le plus au fond, c'est l'attitude intérieure qui, si elle n'est pas limitée ou inhibée, se traduit aussi dans le comportement extérieur. Le Bouddhiste pratiquant porte son bracelet de 18 perles (plus la perle de base en forme de gourde) au poignet gauche. On aborde sa visite en commençant par la gauche, dans le sens des aiguilles d'une montre, pour suivre un sens horaire. On salue au moins les divinités les plus importantes jusqu'à arriver devant le Bâtiment Principal où se trouvent les encensoirs. On allume les bougies, puis l'encens. On agite trois fois l'encens de haut en bas, tourné vers l'autel du Bouddha, en saluant mentalement et en exprimant un voeu. Ensuite, on met l'encens dans le chaudron et on entre dans la salle en enjambant le pas de la porte (et non en mettant le pied dessus comme on voit beaucoup d'Américains le faire), puis on dépose les trois baguettes d'encens non allumées . A cette occasion, on peut laisser une petite offrande en argent dans le tronc disposé à cet effet et l'on pourra maintenant se prosterner de la manière décrite précédemment. Puis, on peut faire le tour de la salle en commençant également par la gauche, suivant le sens horaire. On pourra répéter ses révérences chaque fois qu'on se trouve devant quelque statue particulièrement inspirante ou attrayante (Tout ceci peut être accompli dans d'autres salles du temple au cours du trajet, bien entendu). Ressortant de la salle principale (attention à bien enjamber le pas de la porte) on reprend sa circumambulation par la gauche. Maintenant que nous avons expliqué ce qu'il fallait faire pour ne pas déroger au rituel dans le temple, nous allons décrire la géographie sacrée de celui-ci et sa symbolique afin que le visiteur puisse mieux comprendre les lieux où il déambule et en tirer ainsi un meilleur profit (spirituel, bien entendu). Pénétrer dans un temple signifie entrer dans un espace sacré où la nature tient également son rôle. Il ne s'agit pas uniquement ici d'un édifice humain (artificiel) mais d'un complexe de temples (les salles qui abritent les statues du Bouddha) , d'autres bâtiments, d'étangs ou de bassins artificiels, de bosquets, d'allées, de ponts, de petits jardins, etc. ... toujours situés au pied d'une montagne ou d'une colline (s'il n'y en avait pas, on lui substituerait un amoncellement de rochers, typique des parcs traditionnels chinois). Parfois, on ne parvient au temple qu'après avoir suivi un long itinéraire dans la campagne, dans les collines ou dans la montagne. Le chemin est alors balisé par des étapes matérialisées par une série de portes et d'escaliers. Symboliquement, il s'agit de trois portes qui sont les reflets extérieurs des trois degrés initiatiques de l'ascèse. Ces trois portes sont en rapport avec doctrine, renoncement et pratique. Elles peuvent être décorées, comporter des calligraphies ou des statues. Le temple devient alors le but du cheminement, une image religieuse et extériorisée du paradis. L'entrée principale marque l'entrée effective dans le domaine sacré. Elle est gardée par deux féroces gardiens de la porte. Une fois à l'intérieur, on parcourt la première allée, agréable d'aspect et l'on parvient à une autre porte, qui ressemble à une salle. Au centre, cachant ce qu'il y a au-delà de ce passage, se trouve la statue de Mile fo, le boddhisattva gras et souriant, symbole du bonheur et de la richesse spirituels que ceux qui franchissent le seuil du bouddhisme peuvent espérer atteindre. A ses côtés veillent les quatre Mahârâjas, démons des ténèbres (ou dieux d'un cycle précédent) convertis au bouddhisme dont ils sont devenus les défenseurs. De l'autre côté de la statue de Mile fo et se trouvant dos à dos avec elle afin de regarder à l'intérieur de la seconde enceinte, se trouve Skanda, le boddhisattva solaire doré et flamboyant, debout et armé comme un général chinois de l'antiquité. Mile fo est symbole de postérité (on le représente parfois entouré de bambins qui vont jusqu'à l'escalader), lui qui, tout en étant moine, était déjà de son vivant, considéré comme une incarnation de Maitreya, le Bouddha du futur. Dieu de la porte, d'un certain point de vue, mais en même temps bouddha de richesse et de postérité (l'espoir d'un bien futur), de félicité, il pourrait être considéré comme une sorte de synthèse bouddhiste du double aspect de Ganesh, dieu hindou représenté sous l'apparence d'un éléphant. Appelé Ganesha-kubera, il est le fils de Shiva, dieu destructeur de l'ignorance et de sa shakti, Parvati, déesse de la montagne. Les visiteurs oublient rarement de saluer les quatre Mahârâjas des directions de l'espace (appelés aussi Lokapalas) qui observent et contrôlent les actions des hommes d'un regard perçant et sévère, en tenue de guerriers. Chacun d'eux a 91 soleils et huit généraux sous ses ordres. Celui d'Occident est Virûpâksha, son attribut est le serpent (représentant également le Vajra ou la foudre) et la Chintâmani, la pierre qui exauce tous les souhaits réservée aux saints. Il est de couleur rouge. On le prie pour éviter procès et disputes. Celui du sud est bleu, son attribut est l'épée qui détruit l'ignorance. On le prie pour obtenir santé et longévité. Celui de l'Orient est blanc (ou jaune), son attribut est le luth (Pipa en chinois) qui soulage et purifie l'esprit. On le prie pour obtenir protection et miséricorde. Celui du nord est vert, son attribut est l'ombrelle et la mangouste (qui elle-même peut représenter un porte-monnaie). Symbole de richesse et de succès, on le prie pour faire fortune. Il peut aussi avoir pour attribut la pagode et l'étendard, symboles de la victoire du Dharma ou loi bouddhiste. Skanda est également, dans la mythologie hindoue, le fils de Shiva, dieu de la guerre et messager des dieux. Krishna para-Brahman dit de lui-même: "Parmi les chefs guerriers, je suis Skanda" (Bhagavadgîtâ, X, 24). On pourrait ici le considérer comme le rayon solaire qui peut conduire au centre. C'est un guerrier parce que la Voie est remplie de douleurs et d'obstacles. En même temps, il représente l'ange gardien du temple et de ceux qui suivent la Voie. Comme le rayon solaire qui tue et vivifie à la fois, qui parcourt , rapide, l'océan cosmique, Skanda a le pouvoir de voler dans les cieux. Il est doré et flamboyant. Dans l'iconographie bouddhiste chinoise, Skanda est un des huit généraux du Mahârâja du sud et son émissaire. Ce roi est le seigneur de la région au sud du Mehru (qui pour les Chinois est la Chine même) et le maître du cycle actuel. Ayant franchi cette porte qui représente le premier degré intérieur, on pourra s'approcher des deux autres degrés. La géographie sacrée des temples peut varier, mais on trouvera toujours ces trois degrés, qui conduisent l'homme de sa condition d'homme ordinaire à l'harmonie primordiale avec la Terre-Mère (Lors de l'Éveil, Bouddha prit la terre à témoin), puis avec le Ciel (le Nirvana). Souvent ces degrés se développent aussi en hauteur, ce sont les trois degrés de la montagne axiale (l'axe du monde). D'un point de vue symbolique et géométrique, on pourrait imaginer la section d'une circonférence dont le centre serait la montagne, le point de la circonférence d'où part (ou arrive) le rayon serait alors la porte principale du temple d'où Skanda regarde le centre. Au pied de la montagne est la Salle Principale où se situent les statues de Bouddha et qui représente le lieu de l'illumination. Sur la montagne elle-même est la dernière salle, en rapport avec l'ascension divine et le nirvana. Le degré intermédiaire est celui de l'éveil de Sakyamuni à la vérité. Entre la Voie et l'Éveil, on devra se débarrasser des illusions individuelles. On trouvera souvent, entre la grande porte et la salle principale, un petit lac artificiel que l'on peut éventuellement traverser sur un petit pont. C'est le symbole de la mer des souffrances, des illusions de l' individu et de la voie qui les dépasse. Comme dans la méditation, où la victoire sur les illusions mentales s'obtient par le détachement serein et l'absence d'ego, ainsi le pont passe au-dessus de ces eaux inférieures qu'est la conscience individuelle. Sur l'autre rive (Allons, allons tous ensemble, sur l'autre rive. Au-delà du par delà dit le mantra du Sutrâ du Coeur) se trouve la Salle Principale où résident l'Illuminé, les bodhisattvas et la communauté des saints (arhats, luohan et siddhas), tous ceux qui ont accès au paradis. Là, on reçoit le remède d'immortalité d'Amithaba. Au-delà du paradis se trouve le pari nirvana, la délivrance. Dans de nombreux temples, on peut trouver une statue du Bouddha couché dans la position du Pari nirvana. Cette dernière salle est destinée au Kshitigarbha, la période qui se situe après le pari nirvana1 et avant l'arrivée de Maitreya, le bouddha du futur. C'est une époque difficile (le Kaliyuga des hindous) sans bouddhas intermédiaires. Pendant cette période, une multitude de bodhisattvas s'incarneront pour sauver les êtres et préparer le cycle à venir. Le boddhisattva qu'on trouvera là, habillé comme un moine, aura le khakkhara (six anneaux d'or montés sur un bâton qui indiquent les six domaines d'existence2 dans lesquels il peut intervenir et qui ouvrent les portes des enfers) dans la main droite, et la perle de la sagesse (ou pilule d'immortalité, ou perle qui réalise les souhaits ) dans la gauche. Il a le pouvoir de descendre dans les enfers et de sauver les êtres, il peut aider les êtres soumis aux six domaines d'existence conditionnée, il protège les voyageurs, il aide les âmes des enfants morts. C'est le boddhisattva de l'outre-tombe. Tout ceci concerne la structure principale de la géographie sacrée du temple. Il y a encore la bibliothèque (dont l'accès est réservé) , les habitations des moines, leur cantine, quelques salles de travail ou de réunion, des lieux de repos, des magasins de souvenirs, d'encens, d'objets religieux, de livres, de cassettes, de boissons. Il y a souvent un restaurant. Nous allons maintenant aborder un dernier aspect. Quel rôle peut jouer la visite d'un temple dans la pratique bouddhiste? En entrant dans le temple, on peut offrir ses respects à tous les bouddhas comme si l'on pratiquait un pèlerinage ou seulement à ceux que l'on a choisis. Le pratiquant pourra se limiter à des révérences simples, debout, les mains jointes (il est préférable de saluer trois fois) jusqu'à ce qu'il arrive à la divinité avec laquelle il a instauré un rapport privilégié. C'est à celle-là qu'il destinera l'encens (offrandes) et les révérences profondes. Puisque les aspects de la divinité sont indéfinis et innombrables, chaque homme ne peut suivre vers le divin que le chemin qui lui est propre par vocation. Il est donc inutile de se disperser et il convient plutôt de se concentrer sur un seul ou sur un nombre limité d'aspects. C'est la seule méthode dont on puisse espérer des résultats concrets (effets de la concentration et de la prière). Beaucoup de Chinois, en réalité, se concentrent sur des demandes spécifiques ayant rapport avec la vie profane. Ils sont munis de tout le nécessaire : Encens, monnaie de papier, lingots dorés en carton, charmes .... et hyper concentrés sur ce qu'ils aimeraient obtenir dans l'ordre matériel ou (plus rarement) sentimental. D'autres accompliront les rites pour commémorer leurs morts ou éloigner des influences néfastes. Dans une véritable pratique bouddhiste, on exprime des voeux pour raffermir son intention et sa vocation. On prononce des formules pour rendre efficaces les gestes rituels, on contrôle sa respiration pendant leur exécution pour instaurer un rythme méditatif qui puisse harmoniser le tout. On utilise souvent le rosaire pour pratiquer les mantras hors des rites ou pendant la méditation. On pratique la repentance pour purifier le coeur et rénover son esprit religieux, on récite ou on chante les sutras pour purifier la conscience, étendre ses connaissances, approfondir la voie. On dédie tous ses efforts et ses mérites au Bouddha et pour la libération de tous les êtres afin de diminuer et vaincre l'attachement à son ego. Et surtout, last but not least, on médite, car la méditation est pour les bouddhistes la mère de toutes les méthodes. Il faut, en outre, pratiquer le bien et éviter le mal. Ces intentions appartiennent au patrimoine spirituel de toutes les traditions, c'est pourquoi on ne devrait pas avoir de difficulté à saluer respectueusement les bouddhas (symboles des principes divins de la vérité), les bodhisattvas (symboles de la miséricorde divine et de ses opérations dans le monde) qui transmettent le Dharma, les sages (luohan en chinois: ils suivent le Dharma), c'est-à-dire le Triple Joyau de la loi (le Dharma) en unissant les mains à la verticale devant le coeur mais en laissant un petit creux entre les paumes, image de la concentration intérieure avec laquelle on salue la divinité (qui est devant nous, en bois ou en pierre, mais aussi à l'intérieur de nous, en esprit). Comme le dit la tradition chinoise, la meilleure façon d'entrer dans un temple, c'est d'avoir la pureté d'intention. La meilleure façon de saluer les bouddhas, c'est d'être sincère. La meilleure façon de les honorer, c'est de pratiquer.

Serge Leclercq Kunming, mars 1998

Lu Chun

Nevio Capodagli

 

Lu Chun est d'une ancienne famille chinoise dont l'arbre généalogique l'apparente à Lu Dong Ping, l'immortel taoïste. Artiste peintre, elle enseigne à l'école des beaux arts de Kunming. Ses connaissances de la tradition chinoise sont infinies.

Nevio Capodagli vit en Chine. Son nom chinois est Li Wei. Il s'inscrit plutôt dans la tradition taoïste. Il étudie aussi au Monastère de la Connaissance Parfaite. Il est fin connaisseur des grandes traditions. Il pratique également les arts martiaux internes.

Serge Leclercq vit au Japon où il est professeur au lycée Franco-japonais et à l'université Sophia. Il séjourne régulièrement en Chine où il reçoit l'enseignement Chan au Monastère de la Connaissance Parfaite. Son nom bouddhiste est Hui Kong (sagesse de la vacuité). Il pratique les arts martiaux internes.